Légende de la science-fiction à son corps défendant, Ray Bradbury affirmait n'avoir écrit qu'un seul livre de SF: Fahrenheit 451. "La science-fiction est une description de la réalité, avait-il énoncé dans une interview donnée en 1999. Le fantastique est une description de l'irréel. Donc les Chroniques martiennes ne sont pas de la science-fiction".
D'anticipation, l'oeuvre de Ray Bradbury aborde des thèmes volontiers antiscientifiques, laisse transparaître une crainte du matérialisme et de la déshumanisation... "Je n'ai pas peur des machines, affirmait-il pourtant en 1976. Je ne pense pas que les robots soient en train de prendre le pouvoir. Je pense que les hommes qui s'amusent avec des jouets ont pris le pouvoir. Et si nous ne leur retirons pas ces jouets, nous sommes stupides". Le poète à la croisée du fantastique et de la science-fiction n'a d'ailleurs jamais accepté que ses livres soient publiés sur supports électroniques... Des engins brûleurs de livres, à l'instar des pompiers pyromanes de son classique Fahrenheit 451? "Je ne pense pas qu'Internet remplacera les livres, assurait-il encore en 1998. Mais ce serait terrible si cela devait se produite. On a besoin des livres en tant qu'objets. On a besoin d'avoir quelque chose dans sa poche, dans son coeur, quelque chose que l'on peut toucher. On ne peut pas toucher internet".
Malgré des débuts difficiles, Ray Bradbury -auteur de cinq cents nouvelles, une trentaine de romans, contes, poèmes...- gagne la reconnaissance à la fin des années quarante, avec la parution d'une série de nouvelles oniriques et nostalgiques réunies en 1950 sous le nom de Chroniques martiennes. Publié en 1953, Fahrenheit 451 (adapté au cinéma par Truffaut) assoit la réputation mondiale de l'écrivain, aujourd'hui reconnu à travers le monde comme l'un des écrivains phare de littérature d'anticipation. Ray Bradbury voit son cercueil de verre reposer auprès des grands du genre, qui se chargeront de rompre sa solitude.
"Et quoi de plus naturel en définitive que le débarquement sur Mars des vieillards? Les vieillards qui suivaient la piste laissée par les bruyants pionniers, la fine fleur parfumée, les voyageurs professionnels et les conférenciers en quête de nouveau grain à moudre.
Ainsi les êtres désséchés et craquants, ceux qui passaient leur temps à écouter leur coeur, à se tâter le pouls et à introduire des cuillerées de sirop dans leurs bouches désabusées, tous ces gens qui avaient un jour pris des pulllmans en novembre pour la Californie et des paquebots en avril pour l'Italie, les abricots desséchés, les momies débarquèrent enfin sur Mars..."
("Les vieillards", dans Les Chroniques martiennes.)
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