Centre d'étude et de documentation

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Centre de recherche, de formation, de conservation et de documentation de la Communauté française


mardi 29 juin 2010

2000 - 2010 : une décennie de best-sellers


Oui, enfin, ça y est, c'est l'été ! L'occasion pour le Centre Steeman de vous proposer un choix de livres de plage qui se lisent bien évidemment les doigts de pied en éventail et le mojito à portée de main. Tout au long des vacances, nous disposerons sur nos tables des sélections thématiques en accord avec cette période estivale.

"Size does matter" pourrait être le titre de notre première valise de livres de vacances puisqu'elle est consacrée aux "best-sellers", ces "blockbusters" de l'édition. Sous la forme d'une pétaradante rétrospective, nous avons choisi un roman par été depuis le début des années 2000. Ils furent tous les très (très) grands succès de leur année. Si vous avez réussi à passer au travers, les voilà désormais de nouveau à vos trousses ! 

 Le détail de la sélection : 

2000 : Thomas Harris, Hannibal, Albin Michel ;
2001 : Tom Clancy, L'ours et le dragon (1), Albin Michel ;
2002 : Maxime Chattam, L'âme du mal, Michel Lafon ;
2003 : J.K. Rowling, Harry Potter et l'ordre du Phénix, Gallimard ;
2004 : Dan Brown, Da Vinci Code, JC Lattès ; 
2005 : Ken Follet, Peur blanche, Robert Laffont ;
2006 : James Patterson, Grand Méchant Loup, JC Lattès ;
2007 : John Grisham, L'accusé, Robert Laffont ;
2008 : Stieg Larsson, Millenium 1, 2 et 3 (parus en 2006 et 2007) ;
2009 : Hugh Laurie, Tout est sous contrôle, Ed. Sonatine ; 
2010 : Stephen King, Juste avant le crépuscule, Albin Michel. 

Vous (re)trouverez aussi beaucoup d'autres grands formats (dans tous les sens du terme) dans nos rayonnages.

lundi 21 juin 2010

Cerveaux à vendre (lecture recommandée en cette période d'examens)



" L'homme pénétra dans un vestibule rectangulaire, éclairé par un tube au néon fixé au plafond. Il n'y avait personne pour l'accueillir, et c'est en vain qu'il chercha une indication grâce à laquelle il aurait pu s'orienter. Les murs étaient aussi nus que ceux d'une cellule. Quant à l'ameublement de cette curieuse salle d'attente, il se limitait à une chaise-fauteuil.
Le visiteur attendit, les bras ballants, l'air décontenancé. Quelques instants plus tard, une jeune femme parut. La secrétaire-type, classique jusque dans sa toilette : jupe noire et chemisier blanc. Ni laide ni jolie, le visage neutre, des cheveux châtains tirés sur les tempes et réunis en un chignon bas, le regard froid derrière les lunettes américaines, et quelque chose de commercial dans le sourire.
- Vous désirez ?
- Je voudrais parler au directeur, fit l'inconnu d'une voix sourde, avec un fort accent italien.
- Le directeur ?
- Si. Monsieur Richard.
- C'est de la part de qui ?
L'homme hésita.
- De la part de Toni Coletto, répondit-il, mais ça ne lui dira rien. Il ne me connaît pas. Précisez-lui, s'il vous plaît, que je suis envoyé par Manuel.
A ce nom, la secrétaire tressaillit et, durant une fraction de seconde, son regard se fit inquisiteur, presque féroce."

André Fernez, Cerveaux à vendre, Collection Marabout Junior, Les Éditions Gérard & Co, Verviers, 1959.

Première aventure de Nick Jordan, (bientôt célèbre) agent du contre-espionnage français. Couverture (sublime comme toujours dans la collection Marabout Junior) de Pierre Joubert.

A côté du fameux Bob Morane d'Henri Vernes, héros modèle et infaillible pour les jeunes lecteurs des années 50, l'apparition du plus ambigu Nick Jordan incite l'éditeur à la prudence. Ainsi, une petite notice, signée Marabout Junior, adressée autant aux "adversaires farouches qu'aux fanatiques" des romans d'espionnage et policiers, accompagne le roman. Elle constitue sans doute un document de référence pour qui veut comprendre ce petit tournant éditorial de Marabout Jeunesse. 

Chevalier ou mercenaire ? 

_____" Les héros modernes des romans d'aventures peuvent être classés en deux grandes catégories : les chevaliers et les mercenaires.
_____Les chevaliers : un exemple-type est certainement Bob Morane, le héros des romans de Henri Vernes. C'est un homme qui, sans doute, ne ressemble pas entièrement au chevalier du Moyen Age, mais comme lui c'est un homme libre, un maître de son destin. Cette liberté et ce destin, il les met au service d'autrui : risquant sa vie pour une noble cause, pour défendre un ami ou l'humanité tout entière, ou même parfois, simplement, pour satisfaire son désir de connaître le vaste monde. Comme le chevalier d'autrefois, il est entièrement désintéressé, et toujours, il abandonnera à d'autres le fruit de ses combats, suffisamment heureux, en ce qui le concerne, d'avoir pu vaincre parfois les éléments, parfois d'autres hommes, parfois lui-même, c'est-à-dire sa faim ou sa peur.
_____Un tel "chevalier" - faut-il le dire - encore qu'il ne prétende nullement être une créature parfaite, ne pourrait servir d'exemple concret et de modèle réel qu'en des occasions tout à fait exceptionnelles.
_____Qui donc, aujourd'hui, dispose de tous les loisirs, de toute la chance, de tous les hasards qui, seuls, permettraient une si exaltante existence, une vie toute entière consacrée à de merveilleuses entreprises.

_____Le héros-mercenaire par contre, se rencontre bien plus fréquemment dans le vie réelle ; et quand nous disons "mercenaire", chacun aura compris que nous parlons du policier, du détective, de l'espion ou du contre-espion. Ces hommes sont payés pour faire un certain travail et, en général, ce "travail" n'est guère de nature à fasciner les foules ; mais parce que souvent, cette activité se déroule dans un cadre plein de mystère, dans un monde plein d'ombre, dans un univers trouble et obscur, le roman d'aventures modernes - qu'il soit policier ou d'espionnage - a fait de ce mercenaire un dieu.
_____Presque toujours les auteurs de romans policiers oublient volontairement la vie réelle du détective pour l'enjoliver et l'idéaliser à plaisir ; ils laissent dans l'ombre toute l'amertume, la violence (le sadisme parfois), les petitesses qui sont le lot quotidien de cette vie, pour n'en garder que les côtés prestigieux, et par là même fallacieux.
_____Pourtant, ne serait-il pas possible de concevoir un héros de roman policier ou d'espionnage qui, tout en restant mercenaire, sache dépasser les aspects sombres et sordides de ses enquêtes - il en existe d'illustres exemples - sache mettre dans sa vie un véritable idéal, sache voir que, par-delà la mécanique et les manoeuvres, même admirablement construites, des bandes auxquelles il s'oppose, il y a des êtres qui sont des hommes comme lui.
_____Il nous semble que c'est possible ; il nous a semblé que Nick Jordan, à la fois mercenaire et policier, pouvait trouver ici sa place.
_____Et si, un jour, l'auteur à l'occasion de montrer comment Nick Jordan est devenu l'homme que le présent récit nous décrit, on verra, derrière son impassibilité apparente - et indispensable - combien on peut trouver de sensibilité humaine."

MARABOUT JUNIOR
(pp. 152-153). 


samedi 19 juin 2010

Pour des nuits de fureur


Depuis 2008, la collection Rivages / Casterman / Noir, dirigée par Matz et François Guérif, se propose d'adapter en bande dessinée et de prolonger graphiquement la fameuse collection Noir de Rivages, devenue aujourd'hui une référence incontestable avec plus de 700 titres publiés. Le projet éditorial ambitieux de Casterman et Payot & Rivages bénéficie évidemment du meilleur des deux écuries. De grands noms et de grands récits de la littérature policière sont revisités par de belles signatures de la bande dessinée contemporaine. La Pierre qui roule de Donald Westlake trouve un nouveau rythme sous le crayon de Lax, le célèbre Sur les quais de Budd Schulberg (dont Kazan a tiré un film non moins célèbre) gagne en souffle grâce à Georges van Linthout, les Pauvres Zhéros de Pierre Pelot connaissent une seconde vie par les dessins de Baru, et le désormais bien connu Shutter Island de Denis Lehanne (récemment porté au cinéma par Scorsese) se laisse volontiers revisiter par Christian De Metter.
Le Centre Steeman vous propose un focus sur cette collection remarquable à bien des égards. Entre l'Ultime défi de Sherlock Holmes de Michael Dibdin et Jules Strombini et  la Trouille de Marc Behm et Joe Pinelli,  vous aurez l'embarras du choix cet été. Si  Nuit de fureur de Jim Thompson (premier des écrivains à avoir été publié dans la collection Rivages Noir), mis en image par Miles Hyman, est notre petit préféré, chacun des volumes de la collection bénéficie d'un traitement graphique inventif, singulier et audacieux.
On en redemande.

samedi 12 juin 2010

Chaud-froid de volaille !


Chapitre 8

" - Vous avez probablement déjà reconnu le gouverneur ? dit une voix derrière moi.
- Oui, madame. Je pivotai vivement sur moi-même. Et vous êtes sans doute...
Mon larynx refusa de laisser passer la suite. Car le magnifique spécimen de féminité qui venait de pénétrer dans le salon ne devait pas avoir beaucoup plus de trente ans et portait avec aisance un deux-pièces du type "bain de soleil", jupe et boléro-bustier, qui mettait en valeur une chair appétissante, dorée juste à point. Ses yeux étaient légèrement plus clairs que ses cheveux, et ses cheveux avaient la noirceur du péché dans les contes de grand-maman.
- Mme Dalton Burnside, déclara-t-elle, complétant à ma place la phrase restée en suspens. Parfaitement consciente de ma surprise, elle traversa la pièce, s'assit sur le bord d'un large divan et m'en désigna l'autre extrémité. Je vous en prie, Mr. Cotten.
J'obéis. Nous avions, à portée de la main, une petite table chargée de carafes de cristal et d'un seau à glace en argent massif. Ma cliente arrangea calmement les plis de sa jupe.
- Vous excuserez cet accoutrement peu protocolaire, Mr. Cotten, mais j'étais là-haut, dans le solarium, quand on m'a annoncé votre présence.
- Ne vous inquiétez pas, madame Burnside. Vous seriez surprise d'apprendre dans quelles tenues il m'est arrivé d'être reçu, depuis que je fais ce métier.
L'un de ses sourcils s'éleva subtilement.
- Je vois, je vois... Elle ôta le couvercle du seau à glace. Vous vous alcoolisez, Mr. Cotten ? "


Sam Taylor, Chaud-froid de volaille (So Cold My Bed), trad. de Gilles-Maurice Dumoulin, Paris, Presses de la Cité,  1955.

lundi 7 juin 2010

On m'appelle Robin des Bois! Je m'en vais par les champs et les bois. Et je chante ma joie par dessus les toits.


A l'occasion de la sortie sur les écrans de la nouvelle version des aventures de Robin des Bois, aux origines revues et corrigées par Ridley Scott (Robin Hood, mai 2010), le Centre Steeman propose de se pencher sur les origines et les avatars du personnage. 

Comme chacun le sait, Robin des Bois est un archétype anglais du héros folklorique du Moyen Âge. Son nom anglais Robin Hood signifie littéralement « Robin la Capuche » (et non pas « Robin des Bois », traduction pour le moins approximative, probablement due à l'homophonie de « hood » avec « wood »).
Mais Robin des Bois est aussi peut-être un personnage plus ancien de la Bretagne insulaire ( hood = ch'oad en vieux breton (prononcez hoad) et signifie effectivement « bois »).  La fameuse capuche serait dès lors un élément rajouté a posteriori par la légende anglo-saxonne pour expliquer le nom anglais « Robin Hood ».

Selon la légende, telle qu'elle est perçue aujourd'hui, Robin des Bois était un hors-la-loi au grand cœur qui vivait caché dans la forêt de Sherwood et de Barnsdale. Habile braconnier, mais aussi défenseur des pauvres et des opprimés, il détroussait les riches. Avec ses nombreux compagnons, il redistribuait ensuite le butin aux pauvres.

De nombreuses versions imprimées de ses ballades apparaissent au début du XVIe siècle au moment où l'imprimerie connaît ses premiers essors en Angleterre. Robin y est qualifié de gentleman, ce qui à cette époque signifie un commerçant ou un fermier indépendant. Ce n'est qu'à la fin du siècle qu'il acquiert un titre de noblesse et prend le nom de « Robin de Loxley », ou encore de « Robert Fitz Ooth, comte de Huntington ».
À la fin du XVIe siècle, l'histoire de Robin des Bois recule dans le temps pour se situer vers les années 1190 au moment où le roi Richard Cœur de Lion part pour la troisième croisade.
Au XVIIe siècle, Robin des Bois figure dans The Sad Shepherd (Le Triste Berger, 1641) de Ben Jonson. Puis, au XIXe siècle, Robin des Bois devient un des héros du roman Ivanhoe (1819) de Walter Scott. L'idée que Robin est un rebelle saxon combattant les seigneurs normands date de cette époque.

Au fil du temps, de nombreuses incohérences historiques se sont introduites dans le récit du personnage. Peu à peu, Robin des bois devient un personnage fantasque et imaginaire.  Du Moyen Âge à nos jours, chansons et ballades, pièces de théâtre et comédies musicales, films et séries de télévision ont façonné un mythe en résonance avec leur époque, soumis au passage à de nombreuses manipulations idéologiques, comme le montrent par exemple le personnage de Marianne, qui joue tantôt le rôle d'une guerrière, tantôt celui d'une jeune fille passive, ou celui de Robin des Bois lui-même, présenté tantôt comme un vulgaire bandit, tantôt comme un résistant qui combat pour une juste cause.


Le Centre Steeman propose un focus sur le personnage dans la littérature et au cinéma. Essais sur la légende de Robin des Bois, analyse de l'imaginaire médiéval dans le cinéma occidental, retour aux classiques incarnés par Douglas Fairbanks ou Errol Flynn, ou encore le texte intégral d'Alexandre Dumas ( Le Prince des voleurs et sa suite, Robin Hood le proscrit)... Tous ces documents sont à la disposition des usagers à la Bibliothèque Steeman.


"- Vous voler ! répéta Petit-Jean d'un ton de dédain; quel mot venez-vous de dire ? Vous ne comprenez donc pas la différence qui existe entre voler et prendre à un homme ce qui ne lui appartient pas?  Vous avez conquis cet argent à l'aide de faux prétextes, vous l'avez pris à ceux qui en ont besoin , et je désire le leur rendre. Vous voyez bien monseigneur que je ne vous vole pas!
- Nous appelons notre manière d'agir de la philosophie forestière, dit Robin Hood en riant. "

Alexandre Dumas, Robin des bois, 1872.

samedi 5 juin 2010

Tu peux pleurer ma belle...


Chapitre VII

" (...)
- Vous avez pensé à tout, n'est-ce pas, Larry ?
Je revins m'asseoir à côté d'elle, lui pris le verre des mains et la fis glisser sur mes genoux.
- Vous m'avez manqué, mon petit.
- Je sais, Larry, il s'est passé presque une semaine. Comment ferons-nous pour rester séparés pendant tout le temps que je devrais demeurer à Reno ?
- Oui... Ah! que vous sentez bon !
- Idiot!
- Je vous aime, chérie.
- Oh ! Larry, vous avez besoin de vous raser !
- Et qui s'en soucie ?
- Chéri... Chéri, attendez. Vous allez tout déchirer.
- Qui s'en soucie ?

Jon Evans, Tu peux pleurer ma belle..., Editions Ferenczi, Collection "Le Fantôme", Paris, 1953.
Roman policier américain, traduit par D. Guillet dans la fameuse collection Le Fantôme.