Ce mardi 25 mars, le cinéma Sauvenière
(http://www.grignoux.be)
proposera une projection de Le crime était presque parfait,
d'Alfred Hitchcock. L'originalité ? Le film sera présenté
dans sa formule 3D, comme à sa sortie en 1955 !
Bien qu'Hitchcock ait toujours
revendiqué ce film comme une oeuvre mineure, un film de commande
pour boucler un contrat liant le cinéaste à la Warner, Le crime
était presque parfait (Dial M for Murder en version originale) reste
pourtant l'un des fleurons de la filmographie du cinéaste. D'une
part, il s'agit d'un exercice de style remarquable alliant essais
technologiques (les fameux plans pensés en relief, procédé nouveau
à l'époque) et huis-clos quasi permanent. Surtout, Hitchcock
s'amuse à s'essayer au film bavard, l'action étant finalement peu
présente (mais bougrement efficace lors de l'agression de Grace
Kelly) et laissant place aux bavardages longs et ininterrompus. Le
tour de force d'Hitchcock est de rendre Dial M for Murder captivant
malgré ses mots, notamment lors de la description minutieuse du plan
d'assassinat.
Pourtant, l'intérêt du film réside
moins dans la démonstration du savoir-faire du cinéaste que dans le
personnage de Ray Milland. Rarement chez Hitchcock le méchant du
film aura été aussi séduisant, être machiavélique par essence
mais doué d'une intelligence et d'une finesse peu commune. Le
manichéisme n'a jamais totalement eu sa place chez Hitchcock, même
dans ses films les plus hollywoodiens, et Dial M for Murder pousse le
jeu de l'ambivalence dans ses retranchements tant la fascination
voire la compassion que suscite Tony Wendice provoque un certain
malaise chez le spectateur. Marionnettiste tenant son audience au
bout de ses fils, Hitchcock démontre la toute puissance de son
cinéma en restant dans l'ombre, et offre avec ce film (l'un des plus
connus du cinéaste) une étape fondamentale du récit policier
contemporain où les bad guy séduisent davantage que la justice.
Pour conclure, voici un petit extrait
de l'entretien du Maître du suspens avec François Truffaut, l'un de
ses plus fervents admirateurs :
F.T. : Ce film présente l'intérêt
d'avoir été tourné pour le relief Polaroïd, système binoculaire.
Malheureusement, en France, nous ne l'avons vu qu'en plat, car, par
pure paresse, les directeurs de cinéma ne voulaient pas distribuer
les lunettes à l'entrée des salles.
A.H. : L'impression de relief
étant donnée surtout dans les prises de vues en contre-plongée,
j'avais fait aménager une fosse pour que la caméra soit souvent au
niveau du plancher. A part cela, il y avait peu d'effets directement
fondés sur le relief.
F.T. : Un effet avec un lustre,
avec un vase de fleurs et surtout avec des ciseaux.
A.H. : Oui, quand Grace Kelly
cherche une arme pour se défendre, et puis un effet avec la clé du
verrou, c'est tout.
F.T. : A part cela, c'est très
fidèle à la pièce ?
A.H. : Oui, car j'ai une théorie
sur les films tirés de pièces de théâtre, et je l'appliquais même
au temps du cinéma muet. Beaucoup de cinéastes prennent une pièce
de théâtre et disent : « Je vais en faire un film »,
et ensuite ils se livrent à ce qu'ils appellent le
« développement », qui consiste à détruire l'unité de
lieu en sortant du décor.
F.T. : En français, on appelle ça
« aérer » la pièce.
A.H. : Voilà généralement
l'opération ; dans la pièce, un personnage arrive de
l'extérieur et il est venu en taxi ; alors, dans le film, les
cinéastes en question vous montrent l'arrivée du taxi, les
personnages qui sortent, du taxi, qui règlent la course, qui montent
l'escalier, frappent à la porte, entrent dans la chambre. A ce
moment vient une longue scène qui existe dans la pièce et, si un
personnage raconte un voyage, ils saisissent l'occasion de nous le
montrer par un flash-back, ils oublient ainsi que la qualité
fondamentale de la pièce réside dans sa concentration.
(François TRUFFAUT,
Hitchcock/Truffaut, Ramsay Poche Cinéma, 1983)
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